Ce roman peut décevoir mais il possède de redoutables qualités .
Trois étoiles de science-fiction et quatre étoiles d’un point de vue romanesque .
Job Napoléon est né dans le ruisseau , il ne devait pas passer l’hiver mais il vivra et il verra et il fera ...
C’est un roman de science-fiction assez atypique d’un point de vue contemporain , on est dans un genre ambiguë , un peu une sorte d’apocalypse en pente douce ..
Roulade sur la mauvaise pente donc , c’est une tonalité qui a débordé sur le cinéma de science-fiction , cherchez dans les films de l’époque du premier Mad max , des œuvres comme : Zone 39 de Tatoulis ou encore Résistance avec Donald Gibson ....
La société des années 70, pétries des 30 glorieuses d’après-guerre avait bien conscience d’être lancée sur une trame hyper consumériste dont la fragilité était patente depuis au moins le choc pétrolier de 1973 . Dans ce roman l’auteur imagine une société débordée par la gestion de ses ordures ménagères et industrielles , au point que désormais elles font parties du paysage global . Une société qui avait également le sentiment de n’être pas assez raisonnable et qui se souvenait des débordements totalitaires de la deuxième moitié du vingtième siècle ainsi que des différents avatars de la guerre froide et qui fut de ce fait portée à ne pas être très optimiste quant au politique et quant à l’avenir .
Le genre cyberpunk fut en son temps enraciné dans ce terreau , qui est en partie celui de sa naissance mais nous sommes là dans un univers pré-cyberpunk plutôt régressif ou de surcroit les vieux aspects cyborgs ( les augmentations ) et les connections réseau plus récents ( désormais enracinées dans l’histoire du genre ) ne font pas encore partie du paysage romanesque évoqué par l’auteur et donc , sont absents de l’univers ici proposé à la sagacité du lecteur .
Les Etats-Unis de ce roman sont un ultime ilot refuge d’une défaillante prospérité mondiale , désespérément enfuie de notre pauvre monde ..
Un univers assez sordide a émergé , un univers aux identités socioculturelles et ethniques éclatées où la pauvreté intense lamine tout espoir de liberté future ou même de plaisir et c’est donc une société ouverte à toutes sortes de débordements aux effets tragiques , amplificateurs de néantisation et toxiques enfin , qui menacent les habitants de ce pauvre monde délabrée et à vif .
Les pauvres sont définitivement pauvres alors que les riches s’efforcent de le rester et de continuer à demeurer dans leur quartiers fortifiés qui font vivre une sorte classe moyenne précaire qui surnage un peu mieux que les autres qui sont dans des eaux miséreuses beaucoup plus profondes . Cependant lorsque l’on a touché le fond les choses vont peut-être moins mal finalement parce que on ne descendra pas plus bas ? Pas certain ! Notre job Napoléon , plus job ( le pauvre ) que Napoléon , se retrouvera à arpenter ce monde impitoyable pour finir dans une sorte de chaos intérieur qui nous enseigne que « classes pauvres débouche sur classes dangereuses « ... La pauvreté sans espoir ne se nourrit donc pas des rêves et l’endurance aux frustrations semble avoir des limites très nettes et ouvrir les voies tortueuses qui mènent à la problématique : tonneau de poudre incontrôlable ...
Ce roman de science-fiction risque fort de moyennement brancher les amateurs du genre car cet univers est très Low Tech et ce futur ( peut-être devenu , le temps passant , une sorte de présent alternatif ) n’a de science-fictionnel que son caractère pré-apocalyptique . Cependant ce roman possède une force incomparable en la personne du personnage principal que nous suivons depuis sa naissance et pendant toute son enfance , et toute son adolescence également , et il faut bien avouer que ce parcours est aussi poignant que édifiant , infiniment probant sur les effets aussi néfastes que violents de l’absence absolue de toutes équité sociale comme de redistribution planifiée .
Ce roman vous invite à faire deux étapes touristiques . La première en zone pauvre et la seconde , dans une immense décharge d’ordures où se tiennent un business et des recherches scientifiques pas catholiques . L’univers de ce roman est tellement délabré que à la fin le lecteur sera convaincus qu’il est des sociétés , où l’espoir d’un monde meilleur est une Véritable fiction irréaliste et que du fond de l’abime , ce n’est pas l’espoir qui fait vivre , mais c’est autre chose qui fait vivre , et cet autre chose est autre chose que l’espoir , beaucoup plus noir et beaucoup plus mordant que lui , et beaucoup plus efficace que lui ,d’ailleurs , pour s’auto-amplifier ...
Le cercle vicieux du malheur donc ...
Ce roman est disponible en grand format mais sa couverture en format poche est très édifiante